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Deux exemples de justification mécanique de composants sous pression en présence d’un défaut

P. Le Delliou (EDF / R&D / MMC)

Contexte et objectifs

En cas de découverte de défauts sur les composants sous pression du parc nucléaire d’EDF, il est nécessaire de faire une étude de justification de la tenue mécanique de ce composant en présence d’un défaut. L’objet de la présentation est d’exposer deux exemples de justification réalisés avec code_aster. Le premier cas concerne des fissures de corrosion sous contrainte découvertes au début des années 2000 dans les plaques de partition en alliage 600 de certains générateurs de vapeur (GV) du palier 900MW (Figure 1). Le second cas concerne un défaut découvert en 2011 dans une pénétration de fond de cuve (PFC) en alliage 600 d’une tranche du palier 900MW (Gravelines 1).

Figure 1 : Exemple d’indication révélée par ressuage sur une plaque de partition (la longueur de l’indication n°9 est d’environ 270 mm).

Les défauts sont modélisés à partir des données des examens non destructifs. Des calculs élasto-plastiques sont effectués et le paramètre G est calculé par la méthode G-thêta. Les valeurs de ce paramètre sont comparées à la résistance à la déchirure ductile du matériau. Dans les deux cas, les études ont contribué au redémarrage des tranches concernées.

Méthodologie d’étude

L’étude des défauts découverts dans les plaques de partition a comporté plusieurs volets : démonstration de la stabilité mécanique d’un défaut traversant ou d’un défaut de surface allongé (défaut « bande »), calcul du débit de by-pass du faisceau tubulaire en fonctionnement nominal (calcul d’aire de brèche). Plusieurs modèles ont été développés pour ces études, les différentes parties constitutives de la partie primaire du GV étant représentées (fond et plaque tubulaire en acier faiblement allié, plaque de partition et attente de plaque de partition en alliage 600, soudures de liaison en alliage 182). Les calculs d’aire de brèche ont nécessité l’utilisation des grands déplacements et l’application de la pression en force suiveuse (TYPE_CHARGE = ‘SUIV’). Les calculs de justification de la stabilité mécanique du défaut en chargement de 3ème catégorie et en épreuve hydraulique ont été réalisés en petits déplacements pour permettre le calcul du paramètre G.

Figure 2 : Maillage de la PFC fissurée (vue d’ensemble).

La première étape de l’étude relative à la PFC a consisté à mailler la zone du fond de la cuve contenant la PFC (Figures 2 et 3). Les différents matériaux constitutifs sont représentés : acier ferritique de la cuve, revêtement en acier inoxydable, tube de la PFC en alliage 600 et soudure en alliage 182. Le défaut analysé est d’orientation axiale et débouchant en surface interne. Sa forme, complexe, a été définie à partir des résultats des examens non destructifs. Le modèle comporte environ 130 000 nœuds. On réalise un calcul élasto-plastique en pression seule (25 MPa). On utilise ensuite l’opérateur CALC_G, option ‘LAGRANGE_NO_NO’, pour calculer l’évolution de G le long du front de fissure. Ce paramètre est ensuite comparé à la résistance à l’amorçage de la déchirure de l’alliage 182 (paramètre J0,2), dont la valeur vaut au moins 150 kJ/m².

Figure 3 : Zoom du maillage de la PFC fissurée (fissure en rose).

L’étude sur la PFC fissurée de Gravelines 1 a montré qu’au point le plus chargé du front de fissure (zone singulière entre le tube et la soudure de fixation), la valeur du paramètre G ne dépasse pas 7 kJ/m², à comparer à 150 kJ/m², valeur minimale de J0,2 pour l’alliage 182. À titre d’illustration, la Figure 5 présente le champ d’iso-contraintes SIXX dans la zone de liaison entre la PFC et le fond de cuve. La valeur de pression prise en compte dans l’étude (25 MPa) couvre amplement les pressions maximales considérées dans les situations les plus pénalisantes de 3ème et de 4ème catégorie, compte-tenu des coefficients de sécurité appliqués sur les chargements (respectivement 1,3 et 1,1). Cette étude a été versée au DTE (Dossier de Traitement d’Écart) et a contribué au redémarrage de la tranche après mise en place d’un bouchon démontable en partie haute de la PFC. Une solution de réparation définitive de la PFC incriminée a été mise en place en 2016 (élimination de la PFC et pose d’un bouchon soudé sur le fond de la cuve).

Figure 4 : Iso-contraintes de von Mises à l’instant le plus pénalisant d’un transitoire de 3ème catégorie (défaut bande de profondeur 10 mm et de demi-longueur 1000 mm).
Figure 5 : PFC fissurée : iso-contraintes SIYY (contraintes ortho-radiales sur le plan de symétrie) sur la déformée amplifiée vingt fois.